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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Jean-François Ducis 1733–†1816

197. A mes Pénates

PETITS dieux avec qui j’habite,

Compagnons de ma pauvreté,

Vous dont l’œil voit avec bonté

Mon fauteuil, mes chenets d’ermite,

Mon lit couleur de carmélite,

Et mon armoire de noyer,

O mes Pénates, mes dieux lares,

Chers protecteurs de mon foyer!

Si mes mains, pour vous fêtoyer,

De gâteaux ne sont point avares,

Si j’ai souvent versé pour vous

Le vin, le miel, un lait si doux,

Oh! veillez bien sur notre porte,

Sur nos gonds et sur nos verrous,

Non point par la peur des filous;

Car que voulez-vous qu’on m’emporte?

Je n’ai ni trésors ni bijoux,

Je peux voyager sans escorte.

Mes vœux sont courts: les voici tous:

Qu’un peu d’aisance entre chez nous,

Que jamais la vertu n’en sorte.

Mais n’en laissez point approcher

Tout front qui devrait se cacher,

Ces échappés de l’indigence

Que Plutus couvrit de ses dons,

Si surpris de leur opulence,

Si bas avec tant d’arrogance,

Si petits dans leurs grands salons.

Oh! que je n’ignore en sa misère

Cet aveugle errant sur la terre,

Sous le fardeau des ans pressé,

Jadis si grand par la victoire,

Maintenant puni de sa gloire,

Qu’un pauvre enfant déjà lassé,

Quand le jour est presque effacé,

Conduit, pieds nus, pendant l’orage,

Quêtant pour lui sur son passage,

Dans son casque ou sa faible main,

Avec les grâces de son âge,

De quoi ne pas mourir de faim!

O mes doux Pénates d’argile,

Attirez-les sous mon asile!

S’il est des cœurs faux, dangereux,

Soyez de fer, d’acier, pour eux;

Mais qu’un sot vienne à m’apparaître,

Exaucez ma prière, ô dieux:

Fermez vite et porte et fenêtre!

Après m’avoir sauvé du traître,

Défendez-moi de l’ennuyeux.