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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Pierre de Ronsard 1524–†1585

71. L’Alouette

HE Dieu, que je porte d’envie

Aux felicitez de ta vie,

Alouette, qui de l’amour

Caquettes dés le poinct du jour,

Secouant la douce rosée

En l’air, dont tu es arrosée.

Davant que Phebus soit levé

Tu enleves ton corps lavé

Pour l’essuyer pres de la nue,

Tremoussant d’une aile menue:

Et te sourdant à petits bons,

Tu dis en l’air de si doux sons

Composez de ta tirelire,

Qu’il n’est amant qui ne desire

Comme toy devenir oyseau,

Pour desgoiser un chant si beau:

Puis quand tu es bien eslevée,

Tu tombes comme une fusée

Qu’une jeune pucelle au soir

De sa quenouille laisse choir,

Quand au fouyer elle sommeille,

Frappant son sein de son oreille:

Ou bien quand en filant le jour

Voit celui qui luy fait l’amour

Venir pres d’elle à l’impourveue,

De honte elle abaisse la veue,

Et son tors fuseau delié

Loin de sa main roule à son pié.

Ainsi tu roules, Alouette,

Ma doucelette mignonnette,

Qui plus qu’un rossignol me plais

Chantant par un taillis espais.

Tu vis sans offenser personne,

Ton bec innocent ne moissonne

Le froment, comme ces oyseaux

Qui font aux hommes mille maux,

Soit que le bled rongent en herbe,

Ou soit qu’ils l’egrenent en gerbe:

Mais tu vis par les sillons verds,

De petits fourmis et de vers:

Ou d’une mouche, ou d’une achée

Tu portes aux tiens la bechée,

Ou d’une chenille qui sort

Des fueilles, quand l’Hyver est mort.

A tort les mensongers Poëtes

Vous accusent vous alouettes

D’avoir vostre pere haï

Jadis jusqu’aà l’avoir trahi,

Coupant de sa teste Royale

La blonde perruque fatale,

Dans laquelle un crin d’or portoit

En qui toute sa force estoit.

Mais quoy! vous n’estes pas seulettes

A qui les mensongers Poëtes

Ont fait grand tort: dedans le bois

Le Rossignol à haute vois

Caché dessous quelque verdure

Se plaint d’eux, et leur dit injure.

Si fait bien l’Arondelle aussi

Quand elle chante son cossi.

Ne laissez pas pourtant de dire

Mieux que devant la tirelire,

Et faites crever par despit

Ces menteurs de ce qu’ils ont dit.

Ne laissez pour cela de vivre

Joyeusement, et de poursuivre

A chaque retour du Printemps

Vos accoustumez passetemps

Ainsi jamais la main pillarde

D’une pastourelle mignarde

Parmi les sillons espiant

Vostre nouveau nid pepiant,

Quand vous chantez ne le desrobe

Ou dans son sein ou dans sa robe.

Vivez oiseaux et vous haussez

Tousjours en l’air, et annoncez

De vostre chant et de vostre aile

Que le Printemps se renouvelle.